Victimes de salaires impayés, de fausses accusations, de maltraitance physique, psychologique et sexuelle, les esclaves domestiques étaient au nombre de deux millions à Madagascar en 2019. Ces nouvelles formes d’esclavage prospèrent sur les agences de placement et la complicité de certaines autorités locales.
«Madagascar: l’Etat au secours des travailleuses malgaches expatriées au Koweït» titrait Francetvinfo.fr; « Rapatriement du Koweït: Quarante-six femmes rentrent traumatisées» pour l’Express de Madagascar. Le 1er Avril 2019 : le rapatriement de 46 travailleuses domestiques faisait la une de tous les médias, radio, télévision, presse écrite locales et étrangères. Ce retour au pays fut un grand soulagement pour tous : les travailleuses qui ont pu retrouver leur famille, un Etat mis sous pression par l’opinion publique, et … le grand public. Ces travailleuses domestiques étaient, selon les propos rapportés par la presse, maltraitées, abusées et exploitées, condamnées à l’esclavage moderne à 5 343 kilomètres de chez elles. Il ne s’agit ni de critiquer l’effort de l’Etat, qui a tout organisé pour permettre ce retour au pays, ni encore moins de minimiser ce qui est arrivé à ces femmes dans le Golfe persique. Mais il ne faut pas aller aussi loin en Asie pour retrouver cette forme d’esclavage.
Malala, 16 ans, originaire d’Alakamisin’Ambohimanarina, l’a vécu. Issue d’une famille pauvre, cette adolescente avait à peine 15 ans quand elle a décidé de quitter le foyer parental à la recherche d’un emploi. La faim dans le ventre, elle s’est alors faite engagée en tant que travailleuse domestique auprès d’une famille plus aisée qui habitait non loin de sa petite bourgade.
« Selon notre accord initial, je devais seulement m’occuper des enfants des patrons, prendre un peu soin d’eux, les ramener à l’école et tout ça contre une paie mensuelle de 50.000 Ariary. » Situation qui s’est vite dégradée. « J’étais emballée par ce travail, mais après seulement deux jours, je suis passée de nounou à bonne à tout faire… Je devais faire encore un peu plus que le jour précédent. Tout, je devais faire tout dans la maison. Je me levais vers 4 ou 5 heures du matin pour allumer un feu de charbon, mettre le petit déjeuner de la famille à cuire et faire de l’eau chaude pour leur douche. Je devais également ramener les enfants à leur école. De retour à la maison je faisais le ménage, la cuisine, la lessive… Je travaillais sans relâche pendant des heures et des heures. Les bons jours je pouvais me coucher vers 19 heures, les autres jours, je devais attendre 21 heures et le retour de mes patrons avant de pouvoir enfin m’allonger sur ma couche, posée à même le sol. » Ce qui fait un total de 16 heures de travail par jour.
Mais malgré ce volume de travail pour le moins conséquent, et des conditions impossibles, au bout de cinq mois, elle n’a jamais reçu sa paie. « Mes patrons disaient tout le temps qu’ils n’avaient pas de quoi me payer. Ils trouvaient toujours des excuses pour ne pas me payer. Au final, j’ai décidé de quitter cet emploi. » Déçue de cette première expérience infructueuse et éreintée par cinq mois de travail non rémunérés, elle s’apprêtait à tourner la page et pensait sincèrement que cette histoire allait s’arrêter là. Mais le sort s’acharnait encore sur elle.
« Avant de m’en aller, je leur ai demandé de me payer la totalité de ma solde ou de me donner ce qu’ils pouvaient, ils m’ont dit alors de revenir quelques jours plus tard.Mais la date prévue, j’ai été vraiment surprise quant au lieu de me payer comme convenu, ils ont appelé la police pour m’arrêter sous prétexte que j’avais voler un de leur téléphone avant de quitter leur maison. » Arrivéer au poste de la gendarmerie d’Ambohimanarina, elle a alors subi un interrogatoire musclé. « J’ai clamé mon innocence mais ils n’ont rien voulu savoir, ils sont même venus à me tabasser pour me faire passer aux aveux. L’un des gendarmes m’a dit que si j’avouais tout se passerait bien pour moi. Malgré le fait que je n’ai jamais volé quoi que ce soit, j’ai fini par dire que j’ai fait ce dont ils m’accusaient dans l’espoir que la torture s’arrête. Ils m’ont tabassé, donné des coups de poings ».
Retenue au poste de la gendarmerie pendant trois jours, et sans manger, Malala sera jugée le samedi suivant son arrestation et condamnée pour vol. Aujourd’hui encore, elle purge sa peine dans un centre de réinsertion sociale.
Cas similaire pour Angeline, 17 ans, originaire de Manakoana, Ambositra. Agée de seulement 11 ans à l’époque, cette enfant avait été arrachée de la maison de ses parents par sa propre sœur et a du travailler en tant que domestique pour le gîte et le couvert pendant cinq longues années.
« Pendant ces cinq ans, j’ai fait toutes sortes de tâches pour ma sœur et recevait seulement un repas par jour en contrepartie. Ménage, lessive, cuisine, … » Pire encore, elle était maltraitée et réduite au rang d’esclave. « Chaque jour, je me faisais battre par ma sœur ou par son mari. Ils avaient un fil électrique qui servait uniquement à me fouetter. Tout prétexte était bon pour me battre, une chose que je n’ai pas bien faite, une chose que j’ai oublié de faire, une chose de travers que leurs enfants faisaient et dont j’étais tenue pour responsable… Quand le mari de ma sœur était soul, il me donnait un coup de poing en pleine figure sans raison. » Aujourd’hui encore, la simple évocation de cette période de sa vie met Angeline en émoi : « Aucun être humain ne pourrait supporter le traitement qu’ils m’infligeaient. Je ne compte même plus les jours où je m’en allais dormir en pleurant, encore tout endolorie par les coups que je recevais. »
Cela a duré cinq ans ! Et à l’instar de Malala, la première victime, Angeline a été accusée par le mari de sa sœur, du vol d’un ordinateur. Elle a aussi été condamnée par un tribunal à une peine de quelques années dans un centre de réinsertion sociale.
Enfants esclaves: crime banalisé ou déni collectif
Ils sont près de cinq millions d’enfants à être soumis au travail domestique à Madagascar, dont 39 %, au même titre que Malala, en font un métier selon un rapport du Syndicat des professionnels diplômés en travail social, SPDTS. Soit environ 1 950 000 enfants enrôlés en tant que travailleurs domestiques.
Phénomène devenu commun et même banalisé, une grande partie des ménages habitant les grandes villes de Madagascar font depuis longtemps appel aux services d’une « mpanampy » ou travailleuse domestique, souvent mineure. Dans la plupart des cas, elles sont issues de familles pauvres habitant les zones rurales de la Grande Île. Chez leurs employeurs, elles effectuent les tâches les plus ingrates de la maison contre une modique somme d’argent. A des proportions moins conséquentes, ce phénomène concerne également les petits garçons.
Quand les tâches d’intérieurs, à savoir le ménage, la cuisine, la lessive, sont souvent assimilées aux jeunes filles, les travaux d’extérieurs le sont aux garçons : jardinage, gardiennage ou lavage des véhicules des employeurs. C’est en fait la reproduction de la division du travail entre filles et garçons dans leurs propres foyers, chez leurs parents, amenant ces derniers à penser que leurs filles font un travail du quotidien en devenant domestiques mais moyennant une contrepartie pour les parents. Oui car généralement, l’enfant engagé comme travailleur domestique ne perçoit pas directement son salaire, ce dernier étant directement versé aux parents. Les enfants provenant des milieux les plus défavorisés sont également envoyés par leurs parents dans le but de diminuer les charges de la famille. Une manière, en d’autres mots, de réduire le nombre de bouche à nourrir. Enfin, dans bien des cas, les enfants sont envoyés par leurs propres parents en contrepartie d’un service qui leur a été rendu que ce soit en espèce ou en nature, le terme exact étant la servitude pour dette civile. Or, l’exploitation du travail domestique en particulier quand il s’agit de mineurs et la servitude pour dette civile sont considérés comme des formes de traite des personnes et sont prohibées par les textes de loi en vigueur à Madagascar, notamment la loi n°2014-040 sur la lutte contre la traite des êtres humains.
Selon cette loi, art 6, « Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’une personne, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ou d’une personne ayant autorité sur une autre, aux fins d’exploitation du travail domestique d’autrui sera puni d’une peine allant de 2 à 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1.000.000 Ar à 10.000.000 Ar. »
Enfants esclaves: la pauvreté pour justifier la vente de ses propres enfants
Et malgré cette disposition, ignorée volontairement ou pas, les parents n’hésitent pas à envoyer leurs enfants et se retrouvent même soulagés lorsque ces derniers sont embauchés en tant que travailleurs domestiques dans une famille dont la situation financière est plus favorable. Comme nous l’explique Mirasoa, une mère de cinq enfants, originaire du Sud de l’Île.
« J’ai volontairement envoyé l’une de mes filles pour travailler à Antananarivo à cause de la misère qui prévaut dans notre région. Ni elle ni moi n’étions heureuse quand elle était encore ici. C’était impossible que nous restions tout deux. Je lui ai donné la chance de subvenir à ses besoins et aux besoins de sa mère, comme je l’ai fait pour ma mère jadis. C’est un simple retour d’ascenseur… on n’avait pas de fond pour démarrer correctement notre vie, c’était nécessaire… »
Il ne s’agit pas là d’un cas isolé, c’est principalement la pauvreté qui pousse les parents à envoyer leurs enfants à travailler en tant que domestique. A titre d’exemple, selon l’étude de base sur le travail domestique des enfants réalisée par l’Office International du Travail (OIT)), dans la Région d’Amoron’i Mania, les chefs de ménages pourvoyeurs d’enfants pour l’emploi domestiques travaillent essentiellement dans le secteur agricole (69,5%). Un secteur qui, sauf le cas d’une grande exploitation, ne permet même pas l’autosuffisance pour ces familles. C’est cette même pauvreté qui justifie et excuse auprès de l’Etat les parents qui condamnent leurs enfants à une vie de servitude. Et pourtant, des moyens ont été mobilisés pour lutter ou dans le pire des cas, réduire l’ampleur de ce phénomène.
Inefficacité ou complicité ?
Pour cette année 2019, et outre les financements extérieurs dans le cadre de la lutte contre les pires formes de travail des enfants, le budget alloué à la Direction du travail et de la promotion des droits fondamentaux auprès du ministère du Travail est de 153 880 000 Ariary. D’autres services auprès d’autres ministères se sont également vu attribuer la tâche de lutter contre le travail des enfants et la lutte contre la traite des personnes. En 2017, selon une étude réalisée par l’UNICEF, le gouvernement a augmenté le nombre d’inspecteurs du travail des enfants de 4 à 15 pour évaluer la violence et l’exploitation des enfants à Madagascar. En 2016, la Brigade des mœurs et des mineurs de la Police nationale (PMPM) a eu un quartier général et 15 unités régionales partout dans Madagascar, employant un total de 118 agents. Également en 2017, la gendarmerie avait inauguré un service de protection de l’enfant et des mœurs (SPEM).
Selon un article paru dans le quotidien Midi Madagasikara daté du 16 septembre 2017 : « En vue d’une meilleure efficacité de ce service, des activités de renforcement de capacités pour les éléments de la gendarmerie nationale ont été menées. Depuis 2013, 350 officiers-gradés et gendarmes issus de différentes régions de la Grande île ont renforcé leurs connaissances en matière de droits de l’enfant, de lois et de procédures applicables aux enfants, sur l’accueil et les techniques d’écoute et d’audition adaptés aux enfants pendant la procédure d’enquête, qu’ils soient victimes ou présumés auteurs d’infraction, nécessitant une protection judiciaire de par leur situation. »
Aussi bien en théorie qu’en pratique, c’est à l’accusation de fournir des preuves quant à la culpabilité de l’accuser et non à l’accuser de prouver son innocence. Mais cet ordre logique n’est pas toujours respecté. Ce n’est pas un fait nouveau. Hanta Randrianarimalala, directrice de l’Akany Avoko Faravohitra:
« C’est un véritable mode opératoire pour les employeurs, une fois qu’ils en ont assez de leurs domestiques, ces dernières sont accusées à tort d’un fait de vol ou d’un autre délit et sont après condamnées pour des actes qu’elles n’ont jamais commis. Un moyen pour les employeurs de se débarrasser d’elles pour de bon… »
Le fait que les policiers ou autres gendarmes se rangent du côté des plaignants, comme ce fut malheureusement le cas pour Malala et Angeline, n’arrangeant rien. Et cela pourrait s’expliquer de deux manières. La première étant : « les travailleurs domestiques sont des gens misérables, rien d’étonnant à ce qu’il ait volé quelque chose. » Et la seconde étant « les travailleurs s domestiques sont pauvres, il n’y rien attendre d’eux. » Dans le premier cas, il s’agit d’un terrible préjugé tandis que dans le second on parle de favoritisme. Dans les deux cas, ce sont des fautes professionnelles graves pour les fonctions de policier, juge, ou gendarme d’autant plus que l’avenir d’enfants est en jeu.
Agression sexuelle
Quand on parle de maltraitance, la question des agressions sexuelles est également un autre problème récurrent. Il n’est pas rare que les travailleuses domestiques soient abusées par leurs employeurs. Mais dans la plupart des cas, les faits sont passés sous silence. Les rares fois où ils éclatent au grand jour, c’est grâce à l’intervention d’un tiers, souvent d’un voisin, que les travailleuses domestiques agressées sont secourues, et les employeurs dénoncés.
Telina Rakotonarivo, assistante sociale travaillant au Centre Vonjy du Centre Hospitalier Universitaire de Gynécologie Obstétrique de Befelatanana nous raconte le cas d’une jeune fille de 12 ans secourue et admise à l’hôpital, malheureusement trop tard :
« La fille en question avait été embauchée comme domestique dans une famille de la capitale. Outre le dur travail qu’elle devait abattre au quotidien, le soir venu, cette jeune fille devait,selon son témoignage, satisfaire tous les besoins sexuels du père de famille qui rentrait la quasi-totalité du temps ivre. Et tout cela devant la femme de ce dernier car la maison n’était en fait constituée que d’une seule et étroite pièce de vie où se mêlaient matelas, table à manger, téléviseur etc… Jalouse, la femme se vengeait alors sur la petite fille chaque matin quand le mari s’en allait au travail, et lui infligeait des coups de cravaches et autre forme de tortures physique et morales. »
Au bout d’un moment, la domestique était tombée enceinte ce qui n’eut pour effet que de rendre le couple employeur et en particulier l’épouse encore plus acerbe envers la petite fille de 12 ans. Ce traitement inhumain ne s’est arrêté que lorsqu’une voisine de palier a vu la petite fille déjà engrossée et avait décidé courageusement d’organiser son évasion dans les plus brefs délais. La petite fille avait alors été admise au Centre Vonjy de Befelatanana pour y être hospitalisée. Les employeurs quant à eux ont été arrêtés.
D’après les donnés obtenus auprès du Centre Vonjy de Befelatanana, pour l’année 2018, 12 cas d’abus sexuels et de viols sur des travailleurs domestiques ont été enregistrées. Un chiffre qui est néanmoins bien en deçà de la réalité car rare sont les victimes qui osent ou qui peuvent porter plainte.
Par ailleurs, d’une manière générale, les crimes sexuels sont rarement condamnés par les instances juridiques à Madagascar. En effet, d’après les statistiques obtenues auprès de la Division de la police des mœurs et de la protection des mineurs (DPMPM), sur les cas d’abus sexuel sur mineurs tels que attentat à la pudeur, incitation de mineur à la débauche, harcèlement sexuel, inceste, proxénétisme, tentative de viol, viol et pédophilie, 108 personnes ayant été mis en cause ont obtenu une liberté provisoire. Malgré tout cela, le phénomène du travail domestique des enfants n’est pas près de s’estomper, bien au contraire, dans un pays où la pauvreté gagne du terrain.
Un business pesant des milliards Plus inquiétant encore, depuis quelques années maintenant, des agences de recrutement et de placement font désormais de ce phénomène un véritable business. En demandant à des personnes qui employaient des enfants en tant que gens de maison, et en cherchant sur une page publique Facebook où étaient formulées les demandes et offres de travail en tant que domestique à Madagascar, nous savons qu’actuellement, le salaire mensuel moyen proposé aux domestiques mineurs tourne autour de 50 000 Ariary. En multipliant ce chiffre par le nombre estimé d’enfant enrôlés dans le travail domestique, 1 950 000, on peut en conclure que c’est un marché qui pèse autour de 1 170 000 000 000 ariary annuels (50 000 Ar * 1 950 000 enfants * 12 mois). Ce qui explique en majeur partie la création et la multiplication, depuis 2009, de ces agences de placement. C’est en effet un beau butin à se partager.
Une quinzaine de dossiers par semaine. C’est le nombre moyen de dossiers reçus par les agences de placement, par les demandeurs d’emploi comme domestique ou aide-ménagère selon Votresalaire.org/Madagascar, site de partage connecté au réseau International deWageIndicator.
Le fait de créer et de tenir une agence privée de placement n’est pas en soi interdit, mais est cependant soumis à une législation stricte à Madagascar, notamment par le code du travail (article 247 – 250) et par le Décret n° 2005/396fixant les conditions et modalités d’exercice des bureaux de placement privés et les modalités d’octroi et de retrait d’agrément.
On retiendra les articles suivants :
L’Inspection du travail apathique
Il est à noter que les agences de placement de personnels de maison et les agences de placement en vue de l’envoi de travailleuses outremer bénéficient de statuts différents. En 2015, seules quatre agences privées de placement avaient reçu l’agreement du ministère pour l’envoi de travailleuses domestiques à l’étranger. Les chiffres qui concernent les agences de placement privées locales sont indisponibles auprès du ministère, déjà une forme de laxisme…
Bref, au bout de deux jours d’enquête, nous avons pu entrer en contact avec l’une de ces agences de placement. Notre interlocuteur avait affirmé que l’agence légalement constituée. Ce qui en d’autres mots, veut dire qu’ils ont reçu l’agrément du ministère chargé de l’Emploi si l’on se réfère aux textes de loi. Mais faute de n’avoir jamais obtenu leur numéro d’identification fiscale, leur numéro statistique ni autre document prouvant la légalité de cette institution de placement, nous n’avons pu vérifier ces dires. Se servir d’une simple dénomination sociale pour retrouver l’entreprise au niveau du registre des commerces étant impossible. En nous faisant passer par de potentiels clients, au téléphone nous avons demandé au responsable de ladite agence s’il pouvait placer une jeune fille mineure en tant que travailleuse domestique dans notre foyer. Sa première réponse fut négative, se méfiant surement d’une telle demande. Mais quelques heures après, il nous recontactait par courriel affirmant volontairement que nous pouvions avoir deux jeunes filles mineures, des sœurs, et payer seulement l’équivalent du salaire d’une personne. Les jours suivants, le responsable de cette agence insistait farouchement pour que l’on engage ces deux mineures. Outre le salaire à payer, l’on devait aussi payer une commission d’agence équivalent à un mois de salaire de la travailleuse domestique. C’est d’ailleurs le même tarif avec toutes les autres agences que nous avons contacté.
Pour en revenir au placement, avec comme seul moyen un téléphoneet un peu d’astuce, nous avons donc pu prouver que ces agences plaçaient bien des mineures à l’emploi en tant que gens de maison.Ce qui constitue déjà un délit et pourrait parfaitement être motif de retrait de l’agrément délivré par le ministère.
Or, le ministère de l’emploi et l’inspection du travail n’ont jamais fermé l’une de ces agences de placement local ni pris une quelconque mesure administrative, dont le retrait de l’agrément. Au contraire, ces agences foisonnent actuellement et ne font visiblement pas l’objet d’un suivi. Ce qui voudrait en autre dire que la lutte contre le travail des enfants, ou en tout cas cette forme-ci, ne constitue nullement une priorité pour l’Etat et en particulier le ministère du travail.
Politique à deux vitesses et toujours autant de non-dits
La politique nationale est cependant tout autre quand il s’agit d’agences privées de placement envoyant des travailleurs domestiques à l’étranger, surtout dans les pays jugés à risque, dont les pays du golfe. Les coups de filets ne sont pas rares. A titre d’exemple, le 09 février 2019, un Saoudien a été incarcéré pour traite d’être humain. Selon l’article de l’Express de Madagascar, cet étranger a été trahi par quatorze certificats médicaux avec les photos des migrantes et cinq passeports malgaches retrouvés chez lui.Autre exemple, paru cette fois sur newsmada.com, le 15 mai 2019, les policiers du service central des enquêtes spécialisées ont intercepté une femme d’une trentaine d’années au port de Mahajanga, cette dernière avait tenté d’envoyer des travailleuses malgaches en Arabie Saoudite. Dernièrement, le président de la République a fait une priorité du rapatriement des dizaines de travailleuses malgaches, exerçant ce même métier au Koweït et dans d’autres pays du Golfe, n’hésitant pas à dénonçant ce phénomène inacceptable devant les caméras. Demi-vérité, le gouvernement ne s’est jamais totalement investi dans la lutte contre l’éradication du travail des enfants et de la traite des personnes comme l’indique le dernier rapport de l’ambassade des Etats Unis à Madagascar :
« Le Gouvernement n’a pas augmenté ses efforts par rapport à la période de rapport précédente. Malgré la persistance de rapports supposant la complicité des responsables publics au cours de l’année, aucun agent n’a été tenu pour responsable et aucune enquête n’a été menée sur les rapports mentionnant des fonctionnaires ayant facilité l’exploitation sexuelle d’enfants… Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement n’a alloué aucun budget au Bureau National de Lutte contre la Traites des Êtres Humains, ce qui a inhibé sa capacité à diriger les efforts au niveau national, sensibiliser le public, et opérationnaliser le plan d’action national. »
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