Andriamena et Brieville : recrudescence des kidnappings

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Admin . Administrateur
Publiée le 8/4/2025
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Les communes de Brieville et d’Andriamena, dans le district de Tsaratanàna, font partie des régions classées « zones rouges » en matière de sécurité. Aux vols de zébus qui ont fait leur renommée s’ajoutent aujourd’hui les kidnappings. L’évènement qui a marqué l’année 2018 a été le kidnapping des quatre ouvriers de la Kraomita malagasy. 

Les habitants  des communes de Brieville et d’Andriamena sont sur le qui-vive et en proie à la terreur. Des attaques accompagnées de vol de zébus y ont lieu une ou deux fois par semaine, selon les explications du chef de brigade de la gendarmerie nationale de Brieville, l’adjudant-chef Randriatsimanirisoa Zazah. 

Les actes de banditisme gagnent du terrain à cause du relief tourmenté de la région objet de leur mission, de nombreux couloirs étroits facilitant la fuite des bandits. Il faut ajouter à cela l’insuffisance de l’effectif des gendarmes qui y sont affectés. Pour le cas de Brieville, ces derniers ont la charge de deux communes. Les moyens dont ils disposent sont insuffisants. « Nous avons des motos, nous n’avons pas de 4X4. En cas d’urgence qui nécessite l’utilisation d’une voiture, nous sommes obligés de demander de l’aide auprès de la Kraoma. Cette entreprise nous vient déjà en aide, mais ce n’est pas suffisant par rapport à la mission qui nous est confiée », nous dit encore ce gendarme. « Malgré cela, nous ne restons pas les bras ballants car nous devons travailler », renchérit-il. 

La situation d’Andriamena est identique à celle de Brieville. Le problème de la gendarmerie nationale, c’est l’insuffisance des moyens. « Chez nous en particulier, il nous faut un peu plus de moyens. On sait bien que nous nous trouvons sur le chemin emprunté par les voleurs de zébus de la région d’Alaotra-Mangoro, allant de la Betsiboka jusqu’à Boeny », dit pour sa part l’adjudant Rajaovelo François, chef de la brigade d’Andriamena. 

Il faut souligner que, d’après les informations recueillies sur place, les bandits ne se contentent plus de voler des zébus. De plus en plus souvent, ils prennent des otages pour couvrir leur fuite et pour réclamer de l’argent en sus des zébus volés. Dans le discours prononcé par le Secrétaire d’Etat chargé de la gendarmerie lors de la cérémonie de présentation de vœux pour le nouvel an, le général Randriamanarina Jean Christophe a évoqué que « la gendarmerie nationale a recensé 31 kidnappings en 2018. On constate qu’il y a une augmentation car il y a deux sortes de kidnappeurs. D’abord, ceux qui kidnappent les indo-pakistanais de nationalité française. Ensuite, les dahalo voleurs de zébus qui ont changé de méthode. Ils ne se contentent plus de voler mais ils prennent aussi des gens en otage », selon cet officier général. 

Affaire d’Etat 

Plus globalement, c’est dans toutes les régions de l’île que les dahalo font preuve de cruauté accrue. Pour le cas de Brieville et d’Andriamena, le dernier trimestre de l’année dernière a été marqué plus spécialement par la nuit du 29 décembre 2018 : les voleurs de zébus ont pris en otage une maman d’un bébé d’à peine six mois et un père de famille. Ils ne les ont libérés qu’au bout de deux jours. Dans la commune de Manakana, il y a eu quatre incidents successifs : le premier a eu lieu en octobre 2018 lors duquel une femme et un homme ont été pris en otage ; les trois autres ont eu lieu en novembre. 

Un autre incident a eu lieu le lundi 23 juillet 2018, à Bemavo, commune d’Andriamena : des ouvriers de l’entreprise Kraoma ont été pris en otage et de nombreuses supputations en ont résulté. La somme de 100 millions d’ariary a été exigée pour la libération des otages. Les victimes étaient quatre ouvriers de l’entreprise Kraomita Malagasy, ou Kraoma. Ils étaient en train d’accomplir une mission relative aux projets du Président de la République d’alors, Hery Rajaonarimampianina. Il s’agissait de la réhabilitation de la route nationale N° 33 B dont le nouveau tracé devrait relier directement la région d’Alaotra-Mangoro à celle de Betsiboka. Cela n’a pas plu aux dahalo qui sont allés jusqu’à la prise d’otages, et les travaux furent arrêtés. Cette prise d’otage dont la Kraoma était la victime résulte aussi de la colère des paysans excédés  par la corruption et les abus de pouvoir dont ils font l’objet. « D’après ce que nous ont dit nos ravisseurs, c’est surtout le député de Tsaratanàna qu’ils voulaient avoir. Ils disaient qu’ils étaient soumis à trop de contraintes. Des dahalo disaient que leurs parents avaient perdu en justice sous la pression exercée par cet élu, voilà pourquoi ils se sont révoltés jusqu’à commettre des actes de banditisme. », raconte Jean Servais ou Vévé, un des otages. Les quatre ouvriers de la Kraoma ont été détenus pendant quatre jours. Cinq hommes armés de « Kalachnikov » et de fusils de chasse furent les auteurs de ce rapt. Selon le témoignage de certains otages, le fokonolona chargé de la poursuite serait de connivence avec les dahalo. « Les dahalo ne parlaient qu’avec le député, ils étaient en contact permanent avec lui. Nous suivions aveuglément leurs instructions car nous tenions à la vie. Jusqu’à ce jour, nous ne savons pas clairement ce qu’il y a derrière cette histoire. D’ailleurs, une journée après notre libération par les dahalo, nous avons été invités à Iavoloha, nous avons eu accès au palais pour rencontrer le Président de la République », raconte encore une des victimes. Ce qui s’est passé au sein de l’entreprise Kraoma est devenu une affaire d’état. 

On rappelle que, jusqu’à ce jour, selon l’entretien que nous avons eu avec le chef des gendarmes d’Andriamena, l’adjudant Rajaonarivelo François, aucun des responsables directs de cette prise d’otage n’a été arrêté. Huit personnes soupçonnées d’avoir trempé dans cette affaire ont été provisoirement incarcéré, mais elles ont depuis recouvré leur liberté. L’adjudant Rajaonarivelo affirme que même les quatre otages n’ont pas été convoqués pour enquête. 

Cependant, l’un des otages, monsieur Rakotomalala Jean Servais dit qu’il a bien été enquêté auprès de la brigade criminelle de la gendarmerie du Toby Ratsimandrava, après sa rencontre avec le Président de la République en juillet 2018 

On souligne qu’il y a eu 31 prises d’otage à Madagascar en 2018. 

Corruption et insécurité 

L’une des causes de l’insécurité aujourd’hui grandissante, surtout dans les campagnes, est la corruption au sein des organismes d’Etat. 

« En général, les forces de l’ordre chargées de la sécurité sont corrompues et ont perdu de leur valeur. Dans ma région, les gens ne font plus confiance en la Justice et parfois en nous aussi, et c’est un problème très grave. C’est pour cela que les justices populaires gagnent du terrain un peu partout. », dit le commandant Ramananga Norbert, chef de la Compagnie de la Gendarmerie nationale à Mandritsara, région de la Sofia. « Ceci est aggravé par la divergence de vue des autorités. Au sein de la Gendarmerie nationale, nous adoptons une politique simple pour lutter contre la corruption : nous donnons volontiers aux citoyens les numéros de nos téléphones portables pour qu’ils puissent confier leur plainte. Mais, très souvent, arrivées au tribunal, les personnes que nous avons arrêtées avec preuve à l’appui obtiennent une liberté provisoire. Les gens en sont dégoutés. Et plus grave encore, les autorités ne sont pas toutes contentes ni prêtes à lutter contre la corruption car cela crée des ennemis. Personnellement, j’ai travaillé ici depuis quatre ans, j’ai fait de la lutte contre la corruption mon cheval de bataille. Malheureusement, certains responsables sont tombés dans l’ornière et n’apprécient guère de tels efforts », explique encore cet officier. Signalons que les responsables n’ont reçu aucune plainte sur d’éventuels actes de corruption perpétrés par des gendarmes durant l’année 2018. Cependant, deux cas ont eu lieu en 2017 où des gendarmes ont été poursuivis pour corruption au sein de la Compagnie. Une trentaine d’actions ont été menées pour conscientiser la population sur la lutte contre la corruption en 2018, et 25 ont été réalisées en 2017. Concernant les faits de justice populaire, 25 personnes ont été arrêtées et 11 ont été incarcérées en 2017. Il y a eu trois cas de justice populaire contre 25 actions de conscientisation. On constate une régression en 2018 dans la mesure où personne n’a été arrêté ou impliqué pour une affaire de justice populaire. Par contre, il y a eu 40 actions de conscientisation contre la justice populaire réalisées au sein de la Compagnie la même année. 

La réalité au niveau de la base est que le nombre de cas de justice populaire est en régression dans tout Madagascar. Il y a eu 38 cas en 2018 contre 64 en 2017. Le décompte des victimes pour l’année 2018 est de 38 morts, 6 blessés, et 58 incarcérations. Selon les explications données par le service d’information et de communication de la gendarmerie, ce sont les efforts de lutte contre la corruption et la conscientisation de la population devant cet état de fait qui ont porté leur fruit. 

Actuellement, la première stratégie de la gendarmerie nationale pour éviter la corruption consiste à former les gendarmes en fonction. 82 officiers et 563 sous-officiers ont reçu une formation à Madagascar. 29 officiers et 8 sous-officiers ont été formés à l’extérieur. D’autre part, 358 gendarmes ont été formés par des spécialistes français. Le but est ici de disposer de gendarmes professionnels capables d’affronter tout type d’épreuves dans l’exercice de leur fonction. Il est enfin utile de rappeler que la gendarmerie nationale fait partie des organismes qui collaborent avec le Bureau Indépendant Anti- Corruption (Bianco).